Comment les Canadiens peuvent-ils être protégés contre des phénomènes météorologiques extrêmes qu’ils n’ont jamais connus auparavant?

 (Approuvé par le conseil d’administration de la SCMO le 29 novembre 2022)

L’ouragan Fiona, qui a ravagé le Canada atlantique à la fin de septembre 2022, n’est qu’un autre rappel des menaces que constituent les phénomènes météorologiques extrêmes. Fiona a été responsable de la perte de trois vies, d’un nombre énorme de moyens de subsistance, et a changé le paysage de nombreuses régions du Canada atlantique. Bien que la tempête ait été prévue au moins trois jours à l’avance, il est peu probable que de nombreux résidents des zones les plus durement touchées de l’Île-du-Prince-Édouard, du nord et de l’est de la Nouvelle-Écosse et du sud-ouest de Terre-Neuve aient imaginé que les impacts des vents de la force d’un ouragan et d’une mer extrêmement haute seraient aussi graves que ce qu’ils ont vécu. Fiona a battu le record de la tempête avec la pression centrale la plus basse de l’histoire du Canada et devrait être la tempête la plus coûteuse de l’histoire du Canada atlantique.

 Il y a tout juste quatre mois, un derecho meurtrier (ligne d’orages intenses et rapides) a traversé le sud de l’Ontario jusqu’au sud-ouest du Québec. Certains météorologues perçoivent cet événement historique comme l’un des systèmes orageux les plus violents de l’histoire du Canada. Une douzaine de personnes ont perdu la vie et des millions de personnes ont été privées d’électricité pendant une longue période. Pour la première fois, les météorologues d’Environnement et Changement climatique Canada ont émis un message de préparation à l’alerte pour un avertissement d’orage violent.

En novembre 2021, des précipitations extrêmes et l’inondation d’une « rivière atmosphérique » ont entraîné la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire de la Colombie-Britannique, avec au moins cinq décès attribuables à des coulées de boue le long de plusieurs autoroutes. Cinq mois auparavant, en juin 2021, un « dôme de chaleur » a été à l’origine d’un incendie de forêt qui a détruit la ville de Lytton, en Colombie-Britannique. La température la plus élevée jamais enregistrée au Canada (49.6°C), et les quelque 600 décès liés à la chaleur ont fait de cet événement la pire perte de vies humaines de l’histoire du Canada.

Contexte actuel

Depuis que les directives fournies par des modèles météorologiques informatisés sophistiqués se sont améliorées à un rythme sans précédent, les services météorologiques du monde entier se concentrent moins sur les prévisions régulières mais ciblent les événements extrêmes qui menacent des vies et deviennent plus fréquents dans un climat changeant. Cela comprend la création de produits et de services axés sur le risque, afin que le public et les décideurs comprennent l’éventail des possibilités associées à un événement météorologique menaçant. De plus en plus, les représentations graphiques et les sorties annotées des systèmes d’observation, comme les radars météorologiques, sont utilisées pour illustrer plus efficacement les zones de menace. Une diffusion importante est également nécessaire pour s’assurer que ces services sont bien conçus et bien compris, et que des mesures appropriées sont prises pour minimiser l’impact et sauver des vies. La récente incompréhension des risques associés à l’ouragan Ian en Floride a fait que trop de résidents sont restés dans leurs maisons et que plus d’une centaine de vies ont été perdues.

À l’instar d’autres services météorologiques, le Service météorologique du Canada (SMC) s’est investi dans cette transformation et réalise des progrès constants pour que les Canadiens soient mieux protégés contre les phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes. Cependant, la gestion des composantes essentielles, comme le calcul à haute performance, la technologie de l’information, la recherche sur le climat et la météo et la prestation des services climatiques, a été centralisée dans d’autres directions générales du gouvernement du Canada. Les services météorologiques d’autres pays dont le contexte est similaire à celui du SMC (comme le Royaume-Uni et l’Australie) ont choisi un modèle organisationnel qui englobe ces composantes clés pour permettre l’élaboration et la prestation de nouveaux produits et services de manière efficace, innovante et agile.

Les inondations sont à l’origine des catastrophes les plus courantes et les plus coûteuses au Canada. On prévoit que le changement climatique augmentera la fréquence, la gravité et la variabilité de tous les types d’inondations (pluviales, fluviales et côtières) au cours des prochaines décennies. Parallèlement, l’exposition du Canada aux inondations s’accroît en raison de l’augmentation du nombre de logements, de l’aménagement des infrastructures et de la concentration des actifs dans les zones inondables. Le gouvernement fédéral travaille avec les provinces, les territoires et d’autres partenaires pour accroître la résilience aux inondations. Toutefois, il n’existe aucun plan pour un programme national de prévision et d’alerte des inondations qui permettrait d’alerter le public et de déclencher des évacuations.

Les services météorologiques du secteur privé fournissent une aide essentielle à la décision aux gestionnaires d’infrastructures essentielles, comme les services publics d’électricité, les routes, les chemins de fer et la navigation. Des sondages ont confirmé le rôle important des médias, par lesquels la majorité du public reçoit ses alertes météorologiques. Les météorologues du secteur privé et des médias utilisent des graphiques avancés pour illustrer les menaces et exprimer l’incertitude. Cependant, étant donné que le SMC dispose de ressources limitées pour la coordination avec le secteur privé et les médias avant les événements météorologiques menaçants, il existe un risque de messages contradictoires pour les intervenants et le public.

La recherche universitaire conduit au développement d’importantes innovations essentielles aux services météorologiques modernes. L’Université McGill est un chef de file mondial dans le domaine des radars météorologiques; les recherches océanographiques de l’Université Dalhousie ont mené à l’élaboration d’un modèle de prévision des ondes de tempête; les Northern Tornado and Hail Projects de l’Université Western ont établi de vastes partenariats pour améliorer les alertes et l’évaluation des dommages; et l’Université du Québec à Montréal compte parmi les chefs de file mondiaux en matière de modélisation du climat régional. En revanche, il n’existe plus de source nationale de financement de la recherche universitaire en météorologie depuis que la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère a pris fin en 2010. De plus, il y a un nombre limité d’universités qui offrent les cours préalables pour les météorologues. L’Université de l’Alberta a éliminé son programme, et l’Université York envisage des réductions. Ces réductions auraient des effets dévastateurs sur la recherche à long terme et les ressources nécessaires pour faire face aux événements climatiques extrêmes dans le futur.

Recommandations

Étant donné que ces phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes menacent de plus en plus la sécurité publique, il est recommandé que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership pour accélérer les transformations nécessaires :

  • La gestion des composantes essentielles, telles que le calcul à haute performance, la technologie de l’information, la recherche sur le climat et la météo et la prestation de services climatiques, devrait être réintégrée au sein du Service météorologique du Canada (SMC).
  • Fournir au SMC la capacité d’interagir avec les médias, le secteur privé et les partenaires universitaires et d’élargir les programmes de sensibilisation en collaboration afin d’éduquer le public canadien sur les mesures à prendre pour se protéger et protéger sa famille. Cet investissement devrait tenir compte des défis et des vulnérabilités uniques du Nord canadien.
  • Le Canada a besoin d’un service national de prévision des inondations pleinement intégré à la mission du SMC et réalisé en partenariat avec les provinces et les territoires.
  • Les universités et les employeurs de personnel météorologique (gouvernement, médias et secteur privé) devraient collaborer à une stratégie globale de recrutement de nouveaux météorologues et à une stratégie d’apprentissage continu pour le personnel en place. Cette collaboration devrait prendre en compte les obstacles et explorer les incitations telles que les bourses d’études.
  • Les conseils subventionnaires de la recherche devraient envisager, une fois de plus, la création d’un fonds dédié à la recherche universitaire sur les conditions météorologiques extrêmes et le changement climatique, ainsi que des incitations à collaborer avec les scientifiques du gouvernement.
  • Pour tenir compte de la nature complexe et interdisciplinaire des menaces émergentes, l’investissement dans les programmes d’éducation et de recherche devrait inclure les sciences de la terre, l’ingénierie et les sciences sociales connexes.

En conclusion, la Société canadienne de météorologie et d’océanographie (SCMO) recommande et soutiendra une approche plus collaborative au sein de l’« Entreprise Météo ». Des messages clairs et cohérents concernant les risques et les mesures à prendre sont nécessaires pour protéger les Canadiens menacés par un nombre croissant de phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes qui battent des records. Cela sera possible grâce à un Service météorologique du Canada fort et durable.

La SCMO est la société scientifique nationale regroupant des personnes qui se consacrent à l’avancement des sciences atmosphériques et océanographiques, ainsi que des disciplines environnementales connexes au Canada. La mission de la Société est de promouvoir la météorologie et l’océanographie au Canada en travaillant en collaboration avec les secteurs universitaire, gouvernemental, médiatique et privé. Grâce à ses efforts d’éducation et de sensibilisation, la SCMO cherche à améliorer la compréhension du public à l’égard des questions météorologiques, climatiques et environnementales.

 

Jim Abraham, président de la SCMO 2022-2023

Version pdf de la déclaration de position