Mémoire à la Chambre des communes - 2009
Mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes par la Société canadienne de météorologie et d’océanographie (SCMO)
Sommaire des recommandations.
  1. La SCMO recommande l’introduction d’incitations financières pour réduire rapidement les émissions nettes de gaz à effet de serre. Ces mesures accompagneront les incitations présentes visant à réduire les émissions d’ici 2020 et 2050, et elles encourageront d’autres nations à limiter rapidement leurs propres émissions.
  2. La SCMO recommande au Gouvernement fédéral d’investir des fonds dans la fourniture de renseignements climatiques fondés sur la science afin d’assurer la prospérité et un futur durable aux Canadiens d’un point de vue économique, social et environnemental.
  3. La SCMO recommande le renouvellement du soutien financier pour la recherche en météorologie, en océanographie, en climatologie et en glaciologie, particulièrement dans le nord du Canada, par l’intermédiaire de projets indépendants examinés par des pairs.
Recommandation 1 – Incitations financières pour réduire les émissions.

Aujourd’hui, les preuves scientifiques indiquent de façon accablante que de permettre la poursuite incontrôlée d’émissions de gaz à effet de serre provenant d’activités humaines constitue une menace au bien-être et au développement continu de la société. Depuis la signature du Protocole de Kyoto, les émissions mondiales ont augmenté. Au Canada, elles sont maintenant 33 % supérieures à notre objectif de Kyoto.

Le Rapport de synthèse de la Conférence sur les changements climatiques qui s’est tenue à Copenhague en mars 2009 indique qu’une augmentation de la température de 2 °C sera difficilement supportée par les sociétés contemporaines et que cela provoquera probablement des bouleversements sociétaux et environnementaux majeurs jusqu’à la fin de notre siècle et au-delà. Un soutien considérable s’est développé, y compris de la part des nations du G8, pour contenir l’accroissement de la température mondiale à un maximum de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Au-delà de la limite de 2 °C, souvent appelée la « barrière de sécurité de 2 °C », les répercussions deviendront très graves et plusieurs d’entre elles seront irréversibles.

Le Rapport de 2007 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit une augmentation probable de la température moyenne mondiale d’environ 1,2 °C dans les années 2090 à 2100 par rapport à l’année 1900, même si les émissions de gaz à effet de serre sont nulles après l’année 2000. Les températures mondiales augmenteraient d’environ 0,5 °C sans les aérosols et les poussières générés par les êtres humains qui refroidissent actuellement la planète. On prévoit que le taux d’injection future de poussières et d’aérosols va diminuer à mesure que nous progressons vers un monde faible en carbone. La suppression de l’effet refroidisseur des poussières et des aérosols laisse le monde très près de la barrière de sécurité de 2 °C. Ces chiffres montrent que de rapides réductions des émissions de gaz à effet de serre sont requises afin de respecter cette barrière de sécurité.

Bien que les émissions canadiennes ne représentent qu’une faible fraction des émissions mondiales, il est important, pour une nation riche et développée comme le Canada, de montrer l’exemple. C’est uniquement en montrant un leadership pour la résolution du problème chez nous que nous serons capables de garantir l’engagement des pays en développement comme l’Inde et la Chine. En outre, des restrictions sur notre commerce avec d’autres nations sont un résultat probable si nous ne respectons pas les objectifs internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous félicitons le gouvernement fédéral pour son engagement à « réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 2006 d’ici 2020, et de 60 p. 100 à 70 p. 100 par rapport aux niveaux de 2006 d’ici 20501 », cependant, des mesures plus immédiates sont requises.

De nombreux projets visant à la réduction des gaz à effet de serre sont rentables et offriraient un tremplin nécessaire à l’industrie canadienne pour montrer la voie à de nouvelles entreprises mondiales liées au climat qui généreraient de nouvelles richesses et de nouveaux emplois au Canada. Ces projets visant à la réduction des gaz à effet de serre aideront le Canada à atteindre les objectifs proposés dans le document fédéral de 2007 : Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada.

La SCMO recommande l’introduction d’incitations financières pour réduire rapidement les émissions nettes de gaz à effet de serre. Ces mesures accompagneront les incitations présentes visant à réduire les émissions d’ici 2020 et 2050, et elles encourageront d’autres nations à limiter rapidement leurs propres émissions.

Recommandation 2 – Investir dans les renseignements climatiques fondés sur la science

Afin d’assurer la prospérité et un futur durable pour les Canadiens d’un point de vue économique, social et environnemental, la SCMO recommande que le gouvernement fédéral investisse des fonds pour la fourniture de renseignements climatiques fondés sur la science. Les Canadiens requièrent de tels renseignements pour comprendre, anticiper et répondre au climat, aux changements climatiques et à la variabilité du climat.

Les changements climatiques ont des répercussions sur d’importants secteurs de notre économie, y compris l’agriculture, les pêches, la foresterie, l’énergie, le transport et le tourisme:

  • Le climat est un paramètre clé de la culture des aliments. Il contrôle le niveau d’humidité du sol, la quantité de lumière solaire reçue par les plantes et les conditions auxquelles les plantes sont soumises de façon quotidienne.
  • L’acidification des océans menace nos ressources marines. L’acidification progresse le plus rapidement dans les eaux arctiques canadiennes.
  • Pour le secteur du pétrole et du gaz naturel, la variabilité et les changements climatiques menacent les infrastructures essentielles. En Arctique, les températures plus élevées font fondre le pergélisol, menaçant ainsi les fondations des routes, les pipelines et les tours de transmission de l’électricité. Dans les régions côtières, les tempêtes peuvent endommager les installations de forage en mer pour le pétrole et le gaz naturel ainsi que l’infrastructure associée. De même, les conditions climatiques ont des répercussions sur la quantité d’eau disponible pour l’énergie hydroélectrique.
  • Le dendroctone du pin ponderosa a élargi son aire de répartition au Canada, détruisant des millions d’acres de forêts. Il est reconnu que le réchauffement climatique a joué un rôle déterminant dans cette infestation.
Le climat joue également un rôle dans le bien-être social des Canadiens:
    • Des études indiquent que le réchauffement climatique aura des répercussions 
graves sur les Canadiens vivant dans le Nord, où l’on prévoit un accroissement de 
la température plus rapide.
    • Les déterminants fondamentaux de la santé, comme la qualité de l’air, la 
disponibilité de l’eau, la nourriture et les maladies, sont affectés par le climat.
    • Les extrêmes climatiques, comme la sècheresse, les incendies de forêt et les 
inondations, sont exacerbés par les changements climatiques et leur fréquence et leur intensité vont probablement augmenter.
    • La fourniture de renseignements climatiques permettra aux citoyens canadiens et à l’industrie canadienne non seulement de s’adapter afin de réduire les impacts négatifs, mais également de reconnaître de nouvelles possibilités:
      • La connaissance des changements climatiques aide les agriculteurs à planifier leurs récoltes. Si l’on prévoit que l’eau va manquer, par exemple, ils peuvent choisir des plantes résistantes à la sècheresse.
      • Les changements climatiques ont des répercussions rapides, et souvent mystérieuses, sur les pêches par l’intermédiaire de changements globaux dans les océans et la direction des vents. Des recherches coordonnées dans ces disciplines fourniraient de nouvelles idées.
      • La compréhension de la façon dont le climat change actuellement, dont il va changer dans le futur et les conséquences de ces changements sur la demande énergétique, profitera à un large secteur de notre économie.
      • Les changements climatiques vont probablement ouvrir bientôt l’Arctique au trafic maritime, ce qui aura des répercussions sur la souveraineté canadienne. 


      Les renseignements météorologiques et climatiques, y compris les prédictions, ont de nombreux points communs : ils fournissent tous les deux des renseignements sur la façon dont l’atmosphère se comporte. Mais, alors que les renseignements météorologiques se concentrent sur le court terme (de minutes à plusieurs mois), les renseignements climatiques se concentrent sur les conditions à long terme (des saisons aux décennies). Les prédictions climatiques requièrent une compréhension des interactions entre l’atmosphère, les océans, la couverture de glace et de neige ainsi que la surface des terres.


      Les quelques dernières décennies ont vu un progrès remarquable dans la compréhension du système climatique. Les avancées continues dans les prédictions
inter-saisonnières
      à
pluri-décennales
      rendent possible la fourniture de renseignements climatiques pertinents, sur mesure, aux communautés d’utilisateurs.


      Des investissements dans la fourniture de renseignements climatiques demanderont au gouvernement fédéral d’améliorer le développement et la durabilité:

      • de l’observation et de la surveillance atmosphériques et océanographiques,
      • de la recherche et de la modélisation,
      • de programmes d’adaptation et d’application.

Les deux premiers éléments, l’observation et la surveillance, la recherche et la modélisation, existent déjà au Canada, mais des préoccupations ont été soulevées. Par exemple, la surveillance climatique du Canada au nord du 56e parallèle est éparse et ne répond pas aux lignes directrices minimales établies par l’Organisation météorologique mondiale. En outre, les activités de recherche et de modélisation, particulièrement dans le secteur universitaire, risquent d’être gravement compromises par un manque de financement.

Il est de la première importance que le budget fédéral inclut des mesures afin d’assurer l’intégrité du réseau d’observation, son expansion dans le Nord et un soutien accru aux recherches sur le climat océanographique, atmosphérique et terrestre dans les laboratoires fédéraux et les universités. Les programmes essentiels des ministères gouvernementaux en océanographie, météorologie, climatologie et glaciologie doivent être synchronisés avec des programmes de recherche universitaires. Cela assurera que la recherche financée par le gouvernement est utilisée pour remplir les mandats du gouvernement du Canada.

L’établissement de programmes d’adaptation et d’application requerrait de nouveaux investissements et un nouvel élan. Cela comblerait l’écart entre les renseignements climatiques développés par les scientifiques et les besoins pratiques du public et des utilisateurs des secteurs sensibles au climat. Cela fournira également au public une éducation scientifique plus que nécessaire sur les enjeux climatiques. Plusieurs gouvernements provinciaux et le secteur privé ont déjà investi dans des programmes de cette nature (par exemple, Ouranos au Québec et le Pacific Institute for Climate Solutions en Colombie- Britannique). La participation du gouvernement fédéral apportera synergie et exhaustivité à ces efforts.

La SCMO recommande au Gouvernement fédéral d’investir des fonds dans la fourniture de renseignements climatiques fondés sur la science afin d’assurer la prospérité et un futur durable aux Canadiens d’un point de vue économique, social et environnemental. Recommandation 3 – Renouvellement du soutien financier pour la recherche

Les mesures de stimulation fédérales récentes ont ciblé les investissements dans l’infrastructure. La SCMO croit que de telles mesures sont inefficaces à long terme si elles ne sont pas accompagnées des investissements correspondants en éducation du public, en connaissances et en innovation. La prospérité à long terme de notre pays dépend de notre capacité à nous développer en une société basée sur les connaissances et il est important de regarder au-delà de l’approche habituelle pour l’innovation qui se concentre uniquement sur des solutions basées sur la technologie.

Les crises économiques précédentes ont démontré que les entreprises et les nations, qui maintiennent et qui augmentent leurs investissements en recherche et développement pendant des temps difficiles, émergent plus fortes et plus concurrentielles lorsque la reprise commence. Le Canada doit saisir cette occasion pour transformer son économie.

La base la plus saine, pour s’assurer que l’argent de la recherche est bien dépensé, est de fournir un financement continu aux conseils subventionnaires qui peuvent évaluer les propositions de recherche sur leurs mérites scientifiques, car elles sont jugées anonymement par des pairs de la communauté de la recherche. Les propositions sont classées par pertinence pour la société canadienne et internationale, ainsi que par l’excellence des promoteurs et l’aspect innovateur de la recherche. Ces critères fournissent un équilibre approprié afin de maximiser les bénéfices.

Trois organismes canadiens de financement offrent des exemples de la façon dont ces projets pourraient être financés. La Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère (FCSCA) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) soutiennent la recherche en océanographie, en météorologie, en glaciologie et en changement climatique. Dans le cadre de l’ Année polaire internationale (API) , le programme canadien fournit à des scientifiques de tous les secteurs le financement dont ils ont besoin pour atteindre les objectifs de cette année d’études intensive. L’API a également relié des universitaires aux communautés du Nord. Ces programmes fournissent également des fonds pour l’éducation de la prochaine génération de scientifiques canadiens.

Depuis sa fondation en 2000-2001, la FCSCA a appuyé plus de 150 projets, ainsi que deux initiatives majeures et 24 réseaux de recherche au sein des universitaires canadiens. Les thèmes principaux de la FCSCA sont : la qualité de l’air, l’Arctique, le Nord et les sciences cryosphériques, les changements climatiques et leurs répercussions sur l’environnement physique comme les ressources hydriques, et finalement les prévisions météorologiques et les phénomènes météorologiques violents. L’un des projets actuels vise à développer de nouvelles techniques permettant de déterminer l’avenir des glaciers dans l’ouest du Canada. D’autres projets se concentrent sur le climat urbain, les courants océaniques, l’Arctique et les tempêtes atlantiques, la glace, la vie marine dans l’Arctique, les répercussions des aérosols sur le climat et l’amélioration des prévisions météorologiques. Les fonds de la FCSCA sont particulièrement requis pour le soutien de réseaux à grande échelle, coordonnés, entre de nombreuses universités. À moins qu’il ne soit renouvelé, le financement pour la FCSCA se terminera en 2010.

L’Année polaire internationale (API) 2007-2008 a été le plus important programme international de recherche scientifique jamais mis en œuvre concernant les régions de l’Arctique et de l’Antarctique. Des milliers de scientifiques et de chercheurs de plus de 60 nations dans le monde ont participé à l’API pendant la période de 24 mois qui a commencé en mars 2007. Le gouvernement du Canada a fourni des fonds particuliers pour ce programme, principalement par l’intermédiaire de subventions aux chercheurs canadiens. L’API a développé une compréhension scientifique plus complète du Nord canadien, qui peut s’appliquer pour répondre aux enjeux liés à notre environnement et au bien-être de nos communautés. L’API est un bon exemple de programme de financement indépendant, examiné par des pairs, pour des scientifiques du secteur privé, du gouvernement et des universités.

Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) fournit des fonds pour la recherche à des scientifiques et des ingénieurs des universités pour l’innovation scientifique dans toutes les disciplines. Le Conseil a la réputation de financer d’excellents projets qui produisent des bénéfices importants pour les Canadiens. Ce Conseil requiert un financement continu important pour poursuivre son mandat.

La SCMO recommande le renouvellement du soutien financier pour la recherche en météorologie, en océanographie, en climatologie et en glaciologie, particulièrement dans le nord du Canada, par l’intermédiaire de projets indépendants examinés par des pairs.

À propos de la SCMO

La Société canadienne de météorologie et d'océanographie (SCMO) est une société nationale de personnes et d’organisations vouées à l’avancement des sciences atmosphériques et météorologiques liées aux disciplines environnementales au Canada. La société est l’un des principaux organismes non gouvernementaux à servir les intérêts des météorologues, océanographes, limnologues, hydrologues et scientifiques cryosphériques au Canada. La Société compte environ 1 000 membres, y compris des scientifiques, des universitaires, des étudiants, de grandes entreprises, des institutions et d’autres groupes engagés dans l’éducation, les communications, le secteur privé et le gouvernement. Peut devenir membre de la SCMO toute personne qui a un intérêt dans les sciences atmosphériques et océaniques, ainsi que dans les disciplines connexes et leurs applications. La direction et les membres de la SCMO sont disponibles pour fournir des renseignements supplémentaires sur chacune de ces recommandations.

1 Plan sur les changements climatiques aux fins de la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto – 2009, page 4


    14 August 2009